Des villages de Linsan content leur changement climatique

Poursuivant l’exécution de son projet d’éducation au changement climatique à Linsan Saran (Lelouma), sous financement de l’Ambassade du Royaume des Pays-Bas au Sénégal, l’ONG AGEDD a travaillé en fin novembre avec des producteurs locaux et son partenaire local, l’ONG ANENA, pour approfondir le diagnostic du climat local.

Ces séances de diagnostic conduites par des experts de l’ONG AGEDD ont servi à amener les producteurs locaux à échanger sur les conditions climatiques ayant affecté la production agricole locale et la vie socio-économique en général. L’idée était d’amener les acteurs locaux à découvrir d’eux-mêmes les changements ayant eu lieu (dont ils sont témoins oculaires) et à trouver ce qui fait de leur situation une expérience unique qui nécessiterait des actions concertées et urgentes.

Les acteurs interviewés étaient aussi bien des femmes que des hommes de plus de trente ans (pour retracer le passé climatique de Linsan), et quelques-uns des témoignages les plus marquants sont les suivants :

‘’Au village Kokolou, actuellement nous constatons le tarissement des cours d’eau, et l’asséchement des puits, en plus d’une élévation de la température. De l’avis des acteurs locaux il est également constaté la mort prématurée des plants d’orangers et une baisse de la production (en quantité et en qualité) des plants d’orangers survivants dans ces conditions climatiques’’. Tout ceci dans l’intervalle une dizaine d’année seulement !

‘’Au village Guémé, il y existe une source d’eau naturelle appelée Bhoundou Bendougou qui jadis ne tarissait qu’une semaine (seulement sept jours) avant les premières pluies de chaque saison pluvieuse, qui tarit actuellement longuement avant ces pluies et qui ne retrouve son eau qu’un mois et demi après les premières pluies’’. Excellente remarque qui n’avait jamais été dite en public !

‘’A Linsan Centre, 15 ans avant aujourd’hui, il y avait une source d’eau naturelle à laquelle les jeunes partaient pour se recréer et se laver mais qui a actuellement disparu, sans trace aucune’’. Est-il possible de réhabiliter cette source et redonner aux jeunes un site de divertissement avec un large potentiel écotouristique ? L’ONG AGEDD se pose la question.

‘’Au village Diawoya, le constat particulier est qu’il y avait une bananeraie aux abords du village qui était alimentée par une source d’eau naturelle intarissable. Cette source inondait une partie des concessions les plus proches de la bananeraie au point que le planteur avait érigé une digue de protection pour protéger les habitants. De nos jours la digue de protection ne sert plus à quelque chose car la source d’eau a disparu et les habitants parcourent plus de 500 mètres pour avoir de l’eau’’. La digue a-t-elle contribué à cet effet ? L’ONG AGEDD compte chercher à le savoir avant la fin du projet. Dans la même localité, il a été rapporté par ailleurs un phénomène intéressant sur une autre source d’eau qui a tarit pendant environ 10 ans. Mais après un projet de reboisement réussi la source a repris son cours normal il y a environ 5 ans.

‘’A Linsan 2 jadis, la production du taro était bonne en qualité et quantité. Mais actuellement, la production est très faible et l’espèce est graduellement menacée. Qui plus est, il y avait 7 à 8 mois de pluies et cela permettait aux acteurs locaux de séquencer trois cultures (fonio, riz et arachide) pendant la même saison et d’obtenir des bons rendements. Alors qu’actuellement il ne pleut que 4 à 5 mois (une plus longue saison sèche) et les rendements des cultures à cycle long sont généralement affectés par insuffisance de pluies’’.

Il est à noter que plus d’une vingtaine de têtes de sources sont identifiées dans la zone et manifestent clairement des effets du changement climatique et que de celles-ci dépendent plusieurs espèces animales menacées comme les chimpanzés ou les pangolins. Ces sources d’eau arrosent l’une des plus grandes forêts du Foutah, Nialama d’une superficie de plus de 10.000 hectares.

L’ONG AGEDD félicite les acteurs-producteurs de Linsan pour ces riches renseignements et pour l’engagement à continuer cette noble mission. Nous remercions l’Ambassade du Royaume des Pays-Bas pour le soutien financier, et les autorités de Linsan pour le soutien technique.